Progrès de la médecine infantile à l'aube du XXème siècle


Publié le : 21/01/2021 13:46:03 - Catégories : Bébé dans l'Histoire


Progrès de la médecine infantile à l'aube du XXème siècle

A l’aube du XXe siècle, la médecine des enfants semble entrer dans une ère nouvelle, qui va enfin permettre le recul de la mortalité infantile, longtemps vécue comme une fatalité. Jusqu’alors, les maladies infectieuses (scarlatine, rougeole, diphtérie, coqueluche, tuberculose) constituent le fléau le plus redoutable, qui décime les jeunes enfants, spécialement ceux des quartiers défavorisés. Et l’hôpital, dont la vocation à cette époque est d’accueillir les populations démunies, reste longtemps en échec devant les conséquences de la concentration des petits malades : dans le dernier tiers du XIXe siècle, jusqu’à 20 % des enfants hospitalisés meurent en ayant contracté une infection mortelle.

Mais le tournant semble pris : à partir des années 1880-1890, les règles d’hygiène et d’antisepsie du pastorisme s’imposent entre les murs de l’hôpital et en bouleversent l’environnement et le fonctionnement. En 1901 à Paris, trois nouveaux hôpitaux pédiatriques (hôpital Trousseau, hôpital Bretonneau, hôpital Hérold) se veulent les emblèmes de la nouvelle organisation : à chaque pathologie son bâtiment, doté d’un personnel spécifique. Autre conséquence de l’ère pastorienne, les médecins recourent désormais davantage aux examens de laboratoire, qui permettent un diagnostic rapide et sûr. Enfin, en 1894, le sérum antidiphtérique est mis au point par le Dr Roux.

La scène se passe à l’hôpital Bretonneau, dans le service du Dr Josias. Celui-ci pratique l’opération du tubage sur un jeune enfant atteint du croup. Cette maladie représentait la forme aiguë et mortelle de la diphtérie laryngée, qui menaçait l’enfant d’étouffement par le développement, dans le larynx, de fausses membranes pouvant envahir la trachée et les bronches. Jusqu’à la mise au point du sérum antidiphtérique, seuls deux gestes techniques visant à dégager les voies respiratoires pouvaient faire espérer la survie de ces enfants : la trachéotomie (à partir de 1818) et le tubage.

Au centre de la composition, le médecin, saisi dans l’exécution du geste salvateur. Derrière lui, le groupe des élèves externes et des étudiants, dont la succession des visages conduit le regard du spectateur vers l’action sûre du médecin. Du visage de l’enfant, le regard remonte enfin sur la figure penchée de l’interne, occupé à préparer l’injection du sérum antidiphtérique. C’est avec une précision documentaire que le peintre (également médecin) rend compte du pouvoir de la médecine de son temps. Dans l’urgence, le tubage garantit la survie immédiate d’un enfant menacé d’asphyxie ; c’est le premier geste, la première étape. Mais aussitôt après, l’injection du sérum lui ouvre les voies de la guérison ; son avenir se joue réellement dans cette deuxième étape. L’organisation de la scène résume en quelque sorte les trois séquences de ce grand mouvement de la jeune science médicale en marche : à gauche, l’attente : les observateurs retiennent leur souffle ; au centre, l’action au présent : maîtrise et détermination ; à droite, la promesse d’un avenir.

Les œuvres du peintre Georges Chicotot expriment aussi la conviction du médecin qu’il était (spécialisé dans la radiologie), témoin de quelques-unes des grandes mutations de son temps. Son intention était de laisser des « documents pour l’avenir ». Rompu aux méthodes de l’observation clinique et à la discipline qu’exige l’usage des nouvelles techniques médicales, il laisse avec cette toile une vision objective mais lisse du progrès en marche. Car l’agitation, l’émotion et l’inquiétude inhérentes à cette situation sont évacuées : dans la réalité un enfant en état de détresse respiratoire pleure, se débat et ne perçoit pas la dimension salvatrice d’une technique qui l’agresse et l’effraie. Mais la volonté du peintre est de faire « œuvre de science et œuvre d’art ». Le réalisme de sa facture sert la grande cause dont il a aussi été l’acteur. Et les statistiques vont confirmer son optimisme : vers 1920, la mortalité infantile a chuté à 11 % puis à 5,8 % en 1935. Un résultat qui doit autant à la diffusion des sérums et des vaccins qu’à l’amélioration générale du niveau de vie de la population française.

Auteur : Anne Nardin

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